C’est dans le cadre de la Semaine des femmes ; projet prôné par le service d’égalité des chances de la commune d’Ixelles qui a eu lieu du 17 au 23 octobre 2011 que Golden Rose a organisé sa deuxième discussion table ronde de cette année intitulée « La féminisation de l’immigration » qui a porté sur un sujet qui nous tenait particulièrement à cœur.
Dans le cadre de ce projet, projection de films, expositions, ateliers, théâtre et bien d’autres activités ont eu lieu avec les associations partenaires sur Bruxelles.
Quant à nous, nous nous sommes réunies autour d’une table avec diverses personnes issues du monde professionnel et académique ainsi que des représentantes d’association de femmes immigrées et des représentantes de politiciennes. Nous avons donc souhaités regrouper des acteurs sociaux travaillant dans les domaines de l’immigration et des droits des femmes.
Notre intervenante pour le sujet était Mme Loredana Marchi, fondatrice et coordinatrice de Dar al Amal, centre de femmes à Molenbeek-Saint-Jean et directrice du Foyer : Centre Régional d’Intégration à Bruxelles. Mme Marchi est également présidente de plusieurs groupes de travail sur l’immigration et sur les femmes immigrées.
C’est avec plaisir et enthousiasme que la soirée a débutée avec un tour de table pour des présentations mutuelles. La richesse du profil des personnes accueillies nous a particulièrement réjouies. Ensuite Mme Marchi a pu prendre la parole.
Elle a introduit son discours en reprenant l’essentiel des questions débattues portant sur les femmes de l’immigration et a examiné les nouvelles dynamiques qui structurent l’action de ces femmes dans l’espace social et public.
On l’oublie trop souvent, les pays d’accueil attendent beaucoup des femmes immigrées, en plus de transmettre les valeurs et d’éduquer les jeunes, on leur demande d’assurer la stabilité familiale. Or, à ce jour, on s’est très peu préoccupé de leur intégration sociale et économique. Le visage de l’immigration a profondément changé. On est passé d’une immigration économique, qu’on voulait temporaire parce que destinée à combler des besoins de main-d’œuvre à une immigration familiale de peuplement. Ce passage a donné lieu donc à un processus de féminisation de l’immigration.
Marchi nous explique qu’il faut d’abord différencier le premier flux migratoire arrivé dans les années 70 et l’immigration féminine actuelle. La première génération de femmes immigrées se caractérise comme suit : femmes isolées, analphabètes et issues d’une société rurale. C’est en tenant compte de cette typologie de la femme immigrée que Mme Marchi a entrepris différentes actions au sein d’un centre de femmes à Molenbeek afin d’encourager ces femmes à sortir de l’isolement. L’idée de base était de soutenir ces femmes à développer une estime de soi saine et de leur démontrer que leurs potentiels et leurs acquis peuvent être valorisés.
Par exemple, les femmes berbères détentrices d’un savoir-faire unique ont pu mettre à profit leur connaissance en matière de tapis en laines à tisser et ainsi ont pu enseigner à d’autres femmes cette pratique artisanale. Aussi des cours de théorie pour l’obtention du permis de conduire ont été enseignés afin de participer à la mobilité des femmes qui par l’occurrence avait plus de liberté.
Elles n’étaient plus que des épouses d’immigrés, elles étaient aussi actives dans différents domaines et revendiquaient le statut de citoyenne à part entière. Mme Marchi relate que cette revendication n’a pas toujours été facile à accepter par les conjoints.
Actuellement, les raisons familiales constituent le tout premier motif d’immigration permanente dans les pays. Les arrivées par regroupement familial sont très nombreuses. La situation de la femme immigrée actuelle est un phénomène de femme seule, explique Marchi. Bien que le taux de formation soit plus important et que la plupart de ces jeunes ont été scolarisés dans leur pays d’origine, les difficultés persistent en termes d’intégration et d’adaptation. Ces jeunes qui arrivent par regroupement familial se heurtent à différents problèmes (cumul de limites ; femmes étrangères, noires ou basanées, barrière de la langue,…).
Le travail domestique et les emplois hôteliers, ainsi que le soin des personnes âgées à domicile représentent les modes d’insertion professionnelle les plus courants (bien qu’une bonne partie de cette population soit en possession d’un diplôme universitaire), puisqu’il s’agit là des secteurs à forte demande. Par conséquent, la prédominance de cette demande dans les villes contribue de façon déterminante à féminiser l’immigration.
Ces femmes seules émargent donc la plupart du temps des allocations de revenus d’intégration et travaillent dans des secteurs cités plus haut. Les conditions sociales sont fragilisées. L’autorité et la fonction du père n’est plus investie, ce qui peut mener à des conséquences négatives auprès des jeunes immigrés qui n’ont pas de personnes de références auxquelles il peuvent s’identifier.
Les participantes à la table ronde ont pu jeter un regard sur les nouveaux visages de l’immigration et ont pu aborder les thèmes suivants: l’identité des jeunes immigrés, le développement des activités de médiation, l’insertion professionnelle et la formation à l’emploi.
Au nom de la cohésion sociale, les participantes à la table ronde rappellent l’urgence d’améliorer les politiques d’accueil, d’intégration et de formation.
Aussi, les conséquences de la féminisation de l’immigration sont particulièrement frappantes lorsqu’on regarde du côté du processus d’identification des jeunes filles issues de l’immigration.
Notre soirée a continué avec la session de questions réponses et nous avons pu constater l’intérêt des participantes pour la question.
La rencontre s’est achevée en parlant des difficultés qu’éprouvent les femmes dans le milieu du travail, notamment de la discrimination dont sont victimes les femmes d’origine étrangère. De nombreuses participantes soulignent la nécessité de sensibiliser davantage les employeurs aux réalités que vivent ces femmes, tout en rappelant l’urgence de revoir les perceptions liées au monde du travail dans un environnement social et économique de plus en plus instable.
A la suite de cette rencontre, on constate que l’intégration des femmes immigrées ne saurait être considérée sous un seul angle, notamment parce qu’il s’agit d’un phénomène complexe, que traduisent les difficultés rencontrées quotidiennement par les femmes immigrées désireuses de s’intégrer à la société.
La soirée s’est clôturée par un cocktail que nos invités ont pu apprécier tout en échangeant leurs impressions sur la soirée.